lundi 8 juin 2009, par Isabelle
Venue là pour remettre un petit mot de notre part à tous, et annoncer à Mathieu Riboulet que nous lui avions attribué le prix de l’Estuaire 2009, je croyais venir l’écouter lire l’Amant des Morts. Mais nous étions au Pavillon de l’Arsenal, haut lieu de l’architecture parisienne et Mathieu, écrivain, est le fils de Pierre, architecte (le savais-tu, Sébastien, toi l’urbaniste, en nous proposant ce livre à partager ?). Le titre de la lecture "Il faut dire l’importance du plan". Cette lecture était accompagnée par la chorégraphie de Julie Desprairies qui mit les phrases en gestes et mouvements.
Mathieu Riboulet commença par un texte sur les livres, les bibliothèques, que je vais essayer de vous trouver. Cela mettait déjà en lumière toute la démarche de l’architecte : penser le sens et l’usage (avec ses usagers) pour mieux leur faire correspondre des volumes et des circulations. Finalement, un texte sur l’importance de la lecture, qui liait d’emblée et mettait en miroir le travail du fils et du père.
Le plus long texte fut celui du journal de Pierre Riboulet pendant la conception de l’hôpital Robert Debré, dans le XIXème parisien. Un texte passionnant, où l’on suit pas à pas les réflexions de l’architecte, la manière dont il affronte les difficultés extrêmes du terrain, des contraintes, rêve une solution qu’il ne cessera de polir, d’améliorer, pour parvenir enfin à ce que beaucoup considèrent comme son chef d’œuvre. Luxe total de vivre une heure dans la tête d’un créateur, de voir peu à peu émerger l’œuvre de son imagination, cœur et cerveau, émotion et expertise. Il dit que la question à se poser, devant un plan, c’est "est-ce que ça chante ?". Il cite Le Corbusier : "Le fond du sac, c’est d’émouvoir." Le site de l’association Pierre Riboulet :
http://www.pierreriboulet.org/
A la fin du spectacle, j’abordais Mathieu Riboulet, je lui remis le petit mot explicatif et l’adresse de ce blog. Surpris bien sûr, puis l’air plutôt touché, content. Voyons s’il y aura une réaction…
J’ai assisté ensuite à une lecture de Jacques Roubaud, membre de l’Oulipo, poète qui écrivit beaucoup sur Paris bien que, dit-il, il n’aime pas cette ville (où il vécut presque toute sa vie, monté de son Carcassonne d’origine). Voilà ce qu’il raconte de son procédé de création poétique :
"le matin je sors marcher dans les rues. Je n’ai jamais eu le permis de conduire. Je n’aime pas beaucoup les automobiles, ni les automobilistes parisiens, pardon pour ceux qui sont dans la salle. En marchant, quelque chose que je vois, que j’entens, m’inspire un poème. Je le compose dans ma tête, tout en marchant. Rentré chez moi, s’il a résisté, je l’écris, à la main. Comme j’ai de moins en moins de mémoire, mes poèmes sont de plus en plus courts."
Il dit qu’il s’est mis à faire des sonnets, jeune, pour se débarrasser du surréalisme : "pendant plusieurs années j’ai composé du petit surréalisme mou. Très très mauvais." Il nous parle aussi des rues de Paris disparues des cartes, comme la "rue où Dieu fut bouilli". Et nous lit plusieurs poèmes de François Caradec, autre oulipien, récemment disparu. Ce que j’aime avec les oulipiens, c’est qu’ils ont toujours l’air de vous parler assis en face de vous à la table d’un bistro, en amis. Le site de l’Oulipo : http://www.oulipo.net/
Pour finir, la photo du centre névralgique de Paris en Toutes Lettres, le Magic Mirrors, chapiteau de bois installé place Stalingrad, où l’on pouvait voir aussi, posé sur les eaux du bassin de La Vilette, le caisson d’isolation où Jacques Jouet (encore l’Oulipo) écrivait en direct un roman-feuilleton.