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"T’as vu la palme d’or ? Le film thaïlandais... t’en penses quoi ?"

lundi 13 septembre 2010, par Isabelle


Alors, la Palme d’Or 2010 ? Vous l’avez vu "Oncle Boonmee..." du cinéaste dont on préfère prononcer le prénom plutôt que le nom (Apichatpong Weerasethakul) ? A écouter les critiques, difficile de se faire une idée. Il y a ceux qui disent que c’est génial, tout simplement génial, et ceux qui disent que c’est d’un ennui profond. On a l’impression d’avoir déjà entendu ce débat des milliers de fois, non ? Et qu’il va falloir choisir son camp. J’avoue que j’y suis allée parce que la lenteur au cinéma ne m’a jamais fait peur, j’aime les films contemplatifs, et aussi parce que mon récent voyage en Thaïlande m’a rendue très curieuse de tout ce qui est thaïlandais, de plus le sujet du film me renvoyait à plusieurs discussions que j’ai eues là-bas sur le rapport que les vivants entretiennent avec les morts, l’omniprésence des fantômes en ThaÏlande, cette frontière très poreuse entre la vie et la mort, beaucoup plus poreuse que chez nous où les morts sont parqués dans le souvenir, la vénération lointaine, le silence intérieur de chacun. Chez nous, la mort est un jardin secret. Ce qui est décevant, dans ce film, c’est qu’on aimerait de belles images, la jungle magnifiée, la nature omniprésente, fascinante, et qu’on reste sur sa faim question esthétique visuelle : on dirait un film video, vous savez, les films qu’on faisait en VHS avec de grosses caméras contenant de grosses cassettes qu’on pouvait mettre directement dans le lecteur du salon. Image plate, peu de nuance, une sorte de grain peu contrasté qui rend la campagne filmée poussièreuse, la forêt pas si inquiêtante, on a l’impression que c’est filmé l’été dans l’Aveyron en plein midi. bref, de ce point de vue là, notre soif d’exotisme n’est pas satisfaite. Mais ce n’est pas forcément un mal. Parce que du coup, il y a dans ce film quelque chose de très familier, comme si on regardait le film de vacances de notre oncle à nous. Alors on voit Tonton chez lui, sous les arbres fruitiers au moment de la récolte, près des ruches aussi. On voit un repas du soir, une promenade en forêt. Bref, un film de vacances chez tonton Boonemee. Sauf que. De la même manière, avec le même naturel et la même familiarité, on voit aussi les fantômes de l’oncle, sa femme morte, son fils disparu, on filme sa maladie, sa mort. Rien n’est dramatisé, tout est quotidien, émouvant bien sûr, mais quotidien, normal. Tout est montré de la même manière, sans tenir compte de nos catégories à nous qui hiérarchisent l’intensité, le lyrisme, la tragédie selon un code tacite et indiscutable. Il est là l’exotisme de ce film, dans cette manière simplissime de raconter des moments de vie, quels que soient ces moments. On ne tranche pas sur ce qui est "réel" et "fantasmé", tout participe du quotidien. C’est évident, presque banal, et du coup à la fois perturbant et doux. Oui, on peut un peu s’ennuyer dans ce film, à cause de son réalisme, mais on se laisse capter par le récit de ces moments de vie, oui on peut être dérouté, oui il y a un côté naïf, aussi. Et l’image n’est pas très belle. Mais il se dégage de tout ça une poésie neuve, inédite, souriante même, qui moi m’a fait du bien, m’a charmée. Je ne sais pas si c’est un grand film mais c’est un film unique en son genre, imparfait, attachant.

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