Le monde du travail, un thème oh ! combien d’actualité.
vendredi 29 octobre 2010, par Brigitte
Tout un programme dont Jean Rolin nous a délecté avec L’organisation chef d’œuvre d’ironie et sac d’embrouilles à n’en plus finir. Le livre de Robert Linhart est nettement moins drôle, il faut même se mettre des coups de trique pour progresser dans la lecture, mais c’est le portrait terrible d’une époque qu’on aimerait dire révolue. Il est sans doute là le malaise que dégage ce livre, car si l’on se prend presque par moment à regretter que les chaînes de nos usines d’aujourd’hui tournent au ralenti, délocalisations obligent, et que la solidarité dans le monde du travail soit devenue une utopie, on se dit aussi que dans nos boulots moins salissants, moins durs physiquement, où la convivialité est une obligation, on subit des pressions qui ne sont pas si éloignées que cela de l’univers que Linahrt rapporte. Il décrit avec une précision quasi scientifique le mouvement des différentes chaînes de construction des 2CV puis des AMI 8 ( !), ça ressemble à des ballets de danse sauf que le spectacle dure 8 à 10 heures par jour et que les 2 minutes que les "patrons" grapillent tous les matins, ça fait quelques centaines de voitures de plus, montées à l’œil, à la fin du mois. Pourtant la mobilisation des ouvriers est difficile à organiser, dans une usine qui fonctionne majoritairement avec des immigrés, souvent illettrés, et qui sont là pour travailler. "Moment favorable en ce début de septembre 1968, Citroën dévore de la main d’œuvre. la production marche fort et on comble les trous que le mois d’août a creusé dans l’effectif des immigrés....Citroën travaille dans l’instable : vite entré, vite sorti. Durée moyenne d’un ouvrier chez Citroën, un an. Un turn over élevé disent les sociologues. En clair, ça défile. Et pour moi, pas de problème : happé par la foule entrante". Comme quoi, le blocage du pays peut relancer l’économie ! L’intellectuel est assez désabusé, il en bave au boulot, a du mal à s’accorder au rythme de la chaîne et à trouver sa place ; finalement il a bien fait de retourner à son travail d’intello, de faire ce bouquin qui se termine sur de très belles pages où il dénonce l’absurdité du "bureau des méthodes" qui oblige un presque retraité (65 ans) à travailler sur un nouvel établi alors qu’il s’en était bricolé un, au fil des années, qui lui permettait de redresser de manière impeccable les portières de 2CV cabossées, avec un minimum de manipulations. Vous allez me dire qu’on ne fabrique plus de 2CV, c’est vrai, mais c’est pas une raison pour humilier un vieux travailleur. Toutes choses étant égales par ailleurs, voilà ce qui nous attend... Un livre à lire, maintenant que les manifestations sont finies. Et je vous conseille aussi ce très bel article que Libération a consacré à Robert Linhart. Brigitte
http://www.liberation.fr/culture/0101635810-retabli
http://lettres.blogs.liberation.fr/sorin/2008/03/jtais-parti-sur.html