jeudi 30 décembre 2010, par Stéphane
Dans la mesure où je pense que certains d’entre nous l’ont déjà lu ( ?!), je vais m’efforcer de rester un brin évasif, de sorte à laisser la rubrique ouverte...pour que les commentaires affluent.
Des gens se (re)trouvent dans cette ville au nom étrange, « Coca », pour participer à la construction d’un pont, vivre des expériences, parfois à leurs dépens, apprendre des choses sur les autres, sur eux-mêmes... Une galerie de personnages comme fluctuant dans cet univers singulier, dans l’omniprésence de ce chantier, au coeur de son agitation, perturbé quelque temps par un épisode rocambolesque. Des noms évocateurs (de désobéissance et d’esprit critique) : Thoreau et Diderot, rencontre improbable. Et pourtant...
La référence à Dubaï, ville "globale" s’il en est, où se rend le « Boa » (mégalo) : « ...ici on travaille vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les ouvriers sont logés à l’extérieur de la ville, les rotations se font par navette... » (« À Coca, ce qui est maintenant appelé le Voyage à Dubaï fait évènement. On en mesure l’influence à l’aune de l’urbanisme déjanté qui enfièvre la ville. »)
Un livre politique (poétique), comme une métaphore sur le chantier perpétuel que représente une mondialisation souvent destructrice de lieux et d’identités, qui explose les repères, qui fait d’énormes dégâts avec ses foutus critères d’hyper-rentabilité, fatalement inapplicables pour une grande majorité de pays.
À Manosque.
Chez Maylis de Kerangal il s’avère difficile, voire impossible de déplacer, d’enlever un mot, une ponctuation, tant cela ferait du tort au texte, en modifierait immanquablement sa substantifique moelle. L’impression que l’écriture syncopée et orale de « Corniche Kennedy » s’est affinée, tout en restant alerte. La langue est riche, le verbe vif, la phrase ciselée. De la densité dans les scènes "rythmiquement" décrites. Ce rythme écouté cet été dans l’émission de France Culture « Voyage en Transsibérien – Lignes de fuite », lors de lectures de l’auteur. Et puis ce lyrisme, remarquable d’intensité. (On ne peut que comprendre l’influence -notamment- de Faulkner)
Toujours un grand plaisir de tomber sur de pareils bouquins.
Rompu à mes habitudes :
« Un Chinois fin de jambes, au profil de falaise. »
« ...impossible de faire juter la croissance dans un bled étriqué où l’on serre les fesses, où l’on regarde à la dépense. »
« ...comme si le futur n’était plus qu’une auréole incertaine, le trou de la cigarette dans la pellicule, désagrégeant le temps. »
« À cette heure, le fleuve est mauve, langoureux, des plis larges et huileux, aucun miroitement. Elle regarde la ville qui s’éloigne doucement, se révélant tout entière à mesure qu’elle rapetisse, se penche sur les remous grisâtres qui coagulent et se dissolvent contre la coque, tandis que juste en face, dans un mouvement inverse, la forêt monte, monte, grosse et noire, dévore tout l’espace. »
Verticales. 18€90. Prix Médicis 2010.