TRAFIC DE LECTURES

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Balade de pages en plage

samedi 2 juin 2012


Cette année, c’est Christine qui s’y est collée... Compte-rendu des débats presque comme si on y était.

C’est Supplément à la vie de Barbara Loden de Nathalie Léger qui a ouvert le bal, la danse, la ronde… : « C’est un bon récit... mais hum, comment dire… difficile de rentrer dans le pourquoi du comment du sujet/j’avoue être sans doute passée à côté de ce livre/un projet sans doute intéressant mais trop confus et abstrait dans sa forme. » mais aussi : « un portrait dramatique de la femme sans volonté, ne sachant où aller/ cela nous renvoie à « Jane Mansfield 67 »/visuellement très puissant quand elle décrit les scènes du film » film que Brigitte visionnera avec Hervé, Sylvie et Stéphane jusqu’à pas d’heure dans la très grande maison d’hôtes avec piscine et palmiers,

cf photo de Sébastien alangui sur un transat au soleil, de 8h22 à 8h24, juste avant que les trombes d’eau cévenoles ne déferlent sur la ville. Pendant la discussion Stéphane sortira frénétiquement trois mystérieux carnets de moleskine noire de son sac sans trouver le bon.

Room subira un peu le même sort, tant les avis furent partagés : « Un langage de gamin au début qui peut rebuter, un sujet délicat mais une construction très bien faite, …qui raconte intelligemment ce qui se passe dans la cave/comment survivre à l’enfermement ? /comment vivre sans lumière ?/arrive à faire comprendre le rapport entre le dedans et le dehors/violent/angoisse qui sourde/la mère un personnage remarquable/le langage de l’enfant sonne juste » et « …mouais mais trop de dialogues » Trois d’entre nous dont je tairai les noms puisque j’en fais partie n’ont pas achevé la lecture au grand courroux de Hervé qui proposera un amendement au règlement : « on lit les romans jusqu’au bout….n’de Dieu ….sinon à quoi ça sert de voter ? »

Céline Minard avec So long, Luise choisi par Sébastien qui « a hésité à le choisir, intrigué par C M mais qui a aimé cette écriture caméléon, l’exercice de style, la virtuosité, très punk-rock, foisonnant, baroque, avec des éclats de phrases ciselés puis un style très pauvre, voulu, un personnage antipathique, misanthrope, une emmerdeuse qui ne se laisse pas apprivoiser et une histoire d’amour très belle avec cette femme peintre… ». Quasi-unanimité du groupe : « un sacré talent/un pur talent/elle t’emmène où elle veut/de la douceur et de la violence/le jardin féerique/ généreuse/bon…on comprend pas tout/ fait penser à Marguerite Yourcenar/ une déclaration d’amour/ interroge sur la lecture, sur pourquoi continuer à écrire / se met bien dans la peau de quelqu’un qui vieillit/c’est un grand écrivain/belle association de l’imaginaire à la réalité de la nature. Elle nous enchante par son écriture pleine de sensualité, d’humour… » Quand on passera à Chloé Delaume et à « sa » femme avec personne dedans, les avis seront très tranchés. Brigitte qui a lu tous ses livres précédents avait envie de nous la faire découvrir, admettant que « oui, c’est vrai, elle est folle/c’est toujours la même histoire qu’elle ré-écrit /mais ce n’est pas qu’un livre-thérapie/elle est honnête et elle m’a touchée ». Les propos seront « définitifs » : j’ai pas aimé du tout/je ne comprenais rien/j’ai du mal à comprendre un bouquin comme ça/elle mélange réalité et fiction, c’est un personnage qu’elle s’est inventé/tu sais ce qu’elle raconte, c’est à peine de la littérature/elle risque sa peau/je l’ai pris pour une fiction écrite par quelqu’un de normal et j’ai trouvé ça très bon/le rapport à la norme est intéressant aussi/lucidité et intelligence/ce texte est illisible la lecture est insupportable, c’est juste du grand n’importe quoi ! C’est consternant ! No comment !!! » Ouf, certains d’entre nous s’offriront un petit passage sur le fauteuil relaxant de Catherine, les pieds bien posés sur une caisse de Champagne contenant des vins de Bordeaux, histoire de récupérer.

Viendra le tour du Syndrome de glissement d’Elizabeth Laureau-Daull que Catherine a choisi par hasard parce qu’il lui a sauté dessus et puis parce que « c’est mon cheval de bataille/à l’hôpital les vieux glissent tout le temps, c’est vrai ils lâchent prise mais ce n’est pas la bonne terminologie/ ce n’est pas le syndrome du glissement cette entrée dans la maison de retraite (le syndrome du glissement est un terme médical pour décrire une décompensation rapide de l’état général suite à une affection)/cette expression est fourre-tout/on doit s’interroger/comment la société s’organise pour leur donner le droit à la parole ? On leur refuse ce droit… » Un roman qui nous aura tous touchés par son propos : « j’ai aimé/au départ elle dénonce puis c’est plein d’espoir/une bonne prise de conscience » qui interroge et inquiète « ce directeur, il est vraiment comme ça ? /j’ai envie de le faire lire/ l’auteur choisi de traiter ce sujet très casse-gueule avec juste l’humour qu’il convient… » Maylis de Kerangal, Tangente vers l’Est choisi par Christine pour « l’écriture charnelle, les sensations très physiques des paysages, des corps, des attentes et des espoirs, moins pour l’histoire improbable entre la française et le russe, mais aussi pour les clichés bien assumés sur la Russie, pour la très forte scène du déserteur enfermé dans les toilettes avec le petit garçon … » Les avis seront partagés entre « clichés ou pas clichés », on lui reconnaîtra un talent de scénariste et peut-être un peu trop de facilité mais c’est Claudine, qui bien que absente, nous en parlera le mieux : « Le texte tout d’abord intitulé “ Ligne de fuite” sous sa forme de fiction radiophonique, m’a été très agréable à lire. Et effectivement, on aurait presque l’envie d’en faire une lecture à voix haute tant son écriture est belle, imposant le rythme de ce fameux train Transsibérien où se joue cette rencontre tout en tension de cette belle Hélène et d’Aliocha, tous deux unis par le même désir de “prendre la tangente” comme l’on dit. Ce présent de fuite, pour échapper à un passé mais surtout à un futur qui n’est pas envisageable ni pour l’un ni pour l’autre… et c’est le Transsibérien qui se fait point de rencontre de cette fuite, point de rencontre de cette femme, de cet homme, univers féminin/masculin mais aussi occident/orient… Maylis de Kerangal tient le lecteur en haleine par sa description très détaillée de chaque instant, (traits des visages, odeurs des corps, crispations…), jusqu’à l’arrivée à Vladivostok, avec un retournement de situation inespérée grâce au rôle providentiel de la “provodnitsa” qui sera ainsi détournée de son rôle supposé de “délateur” et permettra à cette petite fiction une belle ouverture finale. Avec Crevasse de Pierre Terzian, on est loin de la légèreté et personne n’est resté indifférent. Isabelle nous l’a proposé sans « trop réfléchir, je suis tombée dessus, je connais l’éditeur de Quidam, j’ai rencontré l’auteur et le ton m’a plu… ». Bien que l’heure de l’apéro approche, la discussion est animée : « un bouquin intéressant, puissant, le titre c’est fort, on sait ce qui va arriver/un bouquin qui finit bien par un suicide, moi je dis Chapeau ! faut le faire !/ effacement de la personne/des comme ça j’en ai rencontré/l’auteur est metteur en scène de théâtre/il a fait du théâtre en milieu carcéral/dérangeant/radical/aussi noir qu’un tableau de Soulages d’après Christine qui a découvert les toiles du fameux Soulages la veille au musée Fabres. Claude doit s’en souvenir, le doux et bienveillant (qu’on croyait jusqu’alors !) Claude qu’on verra fumer des naseaux contre l’hôtesse du musée qui lui interdit de rentrer avec son sac à dos et son appareil photo, mais laissera passer avec le sourire une dame portant un magnifique sac à dos coloré ! On apprendra donc que ce type de discrimination « contre tous les hommes portant sac à dos et appareil photo » a lieu systématiquement « dans tous les musées ! ». Drôle de musée où nous serons hautement surveillés par un guide aussi souple qu’un robot, ne nous lâchant pas d’une semelle et que seule Catherine réussira à amadouer par quelques phrases susurrées dont nous n’avons pas la teneur mais qui le laisseront rêveur et nous tranquilles pour un moment / il y a des phrases qui tuent/ il sonne juste, il y a l’ébauche de personnes qui pourraient exister/c’est presque trop, il ajoute beaucoup de couches pour l’enfoncer, j’aurais aimé qu’avec moins de choses il arrive à plus de justesse/auteur à suivre/c’est le livre du “déséquilibre” entre le haut et le bas ; sorte d’exaltation des profondeurs de son mal-être… exaltation qui lasse parfois. Regard froid, considérations et descriptions “crues”, critiques acerbes…Depuis le début, nous savions qu’il avait choisi d’aller vers l’abîme et non vers le ciel, comme un retour vers la matrice originelle.. » Et puis Hymne de Lydie Salvayre proposé par Catherine qui l’a aimé pas seulement parce c’est « une bio/j’ai aimé l’écriture et puis c’est un cri de colère, elle a une forte personnalité, elle est présente dans son livre ». Le rythme se ralentit... les huitres de Bouzigues, les fraises et les cerises rapportées tambour battant par Pierrot et Sylvie du marché sont loin (huitres et bon vin, une constante maintenant à chaque rencontre). Nos accompagnateurs partis randonner depuis le début de l’après-midi avec Alain nous manquent, on aurait tendance à se laisser porter par leurs petites attentions, ils nous bichonnent, préparent la table, servent l’apéro…. Alors la discussion se ralentit : « elle écrit bien mais pas d’émotion comme dans BW/ce qui gêne c’est qu’elle le vénère comme un dieu/ moyennement intéressé/elle s’implique trop/moi je connaissais déjà/moi j’ai appris des tas de choses/cela aurait pu faire un bon long article de magazine mais on sent la commande…dommage » Les deux derniers livres proposés par nos absents ont été diversement lus et du coup moins discutés…Le poids du papillon de Erri de Lucca dont Claudine nous écrira : « J’espère que ce petit livre sera bien accueilli par tous. J’ai eu plaisir à le proposer pour la grâce, l’élégance et la maturité d’écriture de cet auteur que j’apprécie beaucoup et toute cette poésie de la vie… » mais qui aura « un peu déçu, malgré la très belle fin, on n’a pas retrouvé cette intensité, cette vibration qu’il y avait dans Trois chevaux, il se répète aussi » et Le héron de Guernica de Antoine Choplin : « on a du mal à comprendre le parallèle entre les deux peintures/le personnage est touchant, il a un côté naïf/la fin est un peu décevante /scène du bombardement très forte avec ce peintre qui prend l’appareil photo pour témoigner/d’un côté la photo témoin de l’horreur des hommes et de l’autre la peinture ? tentative de figer l’instant ? »

Je (Brigitte) me permets de rajouter quelques petits commentaires : Chloé Delaume, aussi étrange que cela puisse paraître, m’évoque Duras, par son obsession, de livre en livre, à triturer la même histoire fondatrice. Le Héron de Guernica, je vois bien le face à face entre le héron et le peintre, la courbe si particulière du cou quand l’oiseau fourrage la vase, mais aussi les nuances du plumage qui ne peuvent que se heurter aux lignes violentes du Guernica de Picasso. Et cet instant de pure sensualité lorsque « elle s’approche, écarte le tissu, touche la peau avec douceur » qui scelle l’histoire- inachevée- de Basilio et Célestina. La fin de ce roman est un peu naïve et la rencontre avec Picasso superflue, le cœur du livre suffit amplement à nous dire tous ces fragments de vie que des bombes viennent arrêter net ; c’est encore le cas ce soir, en Syrie. On retiendra aussi de ce weekend que Palavas les Flots n’est pas folichon, même lorsque la Méditerranée se prend pour l’Atlantique, mais que ce patelin pourrait être une excellente source d’inspiration pour Houellebecq (contrairement à Stéphane).

D’autres images encore...

… histoire de se souvenir des nouvelles lunettes asymétriques de Catherine...

… ces mouvements de groupe, sur la plage, on dirait une chorégraphie à la ARTE, non ?

Qui écoute sa musique en solitaire sous sa capuche ?

évidemment, tout le monde apporta force breuvages et nourritures locales...

So Long, Catherine... et merci pour tout, du fond du cœur. Rendez-vous l’an prochain à Montner !

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1 Message

  • Balade de pages en plage

    4 juin 2012 14:14, par Brigitte
    Et bien, cette année encore c’est Stéphane qui emporte la palme de la perspicacité en nous proposant "Supplément à la vie de Barbara Loden", Prix du Libre Inter 2012 ; Nathalie Léger que j’écoutais ce matin alors que défilaient dans ma tête les superbes plans de Wenda, m’a totalement conquise et encore une fois c’est un des jurés qui a porté ce livre jusqu’au vote final. Kampuchéa de Patrick Deville avait aussi son supporter, et Le Ravissement de Britney Spears semble avoir fait débat, comme à chaque fois pour Jean Rolin... Brigitte en lien ci dessous d’autres photos du Prix des Arceaux

    Voir en ligne : Montpellier 2012 : Prix des Arceaux

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