TRAFIC DE LECTURES

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« LE DERNIER MONDE ». Céline MINARD.

lundi 18 février 2008, par Stéphane

Je me lâche.

L’Homme part à la recherche de l’Homme qui a détruit l’Homme, épaulé par ses avatars mentaux. Les individus se sont étrangement dissous, l’état naturel des choses ayant repris le dessus jusqu’à la fin des temps.

Je sais pas pourquoi, mais j’ai longtemps cru que le nom du héros était un anagramme. D’ailleurs c’est surprenant, on peut faire ″quijote″ avec quelques lettres . Jaume Roiq Stevens, le gaucho des steppes de Mongolie avec ses 59 000 têtes de porcs ! Tiens, d’ailleurs : serait-ce une référence au mythe de Circé la magicienne qui métamorphosa en pourceaux les compagnons d’Odysseus après les avoir endormis ?! Les pérégrinations de Stevens/(Ulysse ?!), confronté aux mythes. Un voyage à travers les continents.

Une sorte d’érotisme symbiotique (pages 258 à 265).

Faut faire gaffe ! Un cri d’alarme, un constat : « La Terre était assez grande et vous l’avez bouffée. Comme des porcs vous vous êtes rués sur l’or et sur le pétrole, vous avez souillé les rivières et les mers, vous avez pollué les imaginaires, imposé partout vos structures. Vous avez fait des animaux vos ennemis. Votre monde étroit, vous l’avez plaqué en tous lieux. Exécutés les réfractaires, aveuglés les autres hommes, dévorés. Broyée toute forme de vie qui n’était pas la vôtre. Les arbres, les montagnes, les oiseaux n’ont pas bougé, le lions ne se sont pas levés, les tribus ne se sont pas rassemblées contre vous. Et tu penses encore que c’était une erreur tactique mais regarde-toi ¡Ahijuna ! Regarde autour de toi, regarde ! Tu es mort. Tu es mort et je renaîtrai. Les crocodiles sont mes frères, j’ai des cousins chez les pythons. Je connais des pierres qui gardent le coeur chaud de mes ancêtres, oui de mes foutus ancêtres de ces putain de civilisations immobiles et leur coeur est chaud et pulse dans la pierre. J’ai des totems, j’ai passé des traités avec d’autres vies animales, je suis relié à d’autres vies animales, la forme humaine peut disparaître, j’ai le choix, mon flux ne s’éteindra pas avec ma voix, tandis que toi, tu es mort. Ta vie est un enterrement, ce qu’il reste de temps tu l’enterres. Tu construis ton cercueil, tu le suis et tu le précèdes. Un cadavre, on le mange ou on le plante mais toi, rien du tout, tu ne te décomposeras pas, tu entends ? Tu ne deviendras pas. Pellette fantôme, pellette. Creuse ta tombe tu pleures sur ta mémoire, c’est tout ce que tu sais faire. Mais sois sûr d’une chose : tu ne sauveras rien. »

L’absurdité des conflits : « Aucune des parties n’y comprenait rien puisqu’il n’y avait rien à comprendre : c’était la guerre. ».

Que dire encore ! Une sorte de méta langage exaltant. Un livre profondément érudit. Une aventure picaresque hallucinatoire, une épopée déliro-métaphysico-mythologique, un monologue intérieur à voix multiples, une parabole écologique (la ″libération″ des fleuves), une ode au langage et, why not, du donquichottisme sous psychotropes !!!

Et, par-dessus tout, quelques jubilatoires allégories : « Le crépuscule incendiait l’horizon quand Stevens se décida à descendre prendre son thé coupé d’Arak. Les cris redoublaient de puissance et trouaient la steppe aux aguets de mille vrilles stridentes et dures comme des mèches à ciment. Un concert d’ânes en rut s’élevait dans les cieux. Les derniers rayons lumineux se perdirent sous la ligne d’horizon et la lune, laiteuse et bleue, souleva de terre les ombres de la nuit ».

Bon sang, mais oui ! : « - Où en est votre programme ? Avez-vous oublié que vous êtes seul ? Que vous parlez aux mouches, que vous jouez avec vos avatars ? Dois-je vous faire un tableau complet ? Avez-vous perdu la mémoire ? C’est moi de mon propre chef qui suis venue m’asseoir dans votre tête, sombre crétin. On ne joue pas avec quelqu’un qui s’est assis dans sa tête. Avancez. »

Sans aucune hésitation -avis perso- LE livre de 2007, (dans la sélection du Livre Inter), une véritable oeuvre littéraire qui provoque, qui questionne, par un auteur qui, je l’espère, n’a pas fini de nous surprendre.

En résumé, une pure merveille, un livre complètement jouissif !

Du même auteur : « R » chez Comp’act, en 2004 « La Manadologie » chez MF en 2005


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