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Ce lien (du passé) avec le poète disparu...

lundi 9 décembre 2013, par Stéphane


Bon. Faut que je vous explique. Que je vous raconte. C’est curieux. Pas provoqué. Pas prémédité. C’est juste que ça (sur)vient après le truc d’hier. Ça résonne. Comme une sorte d’écho fragile dans le temps. J’allume le poêle. Le chat a froid, alors je lui allume le feu pour lui faire plaisir. Pour réchauffer la maison par la même occasion. Et puis j’ai envie de lire. J’ai besoin de lire. Je prends un livre qui traîne sur la bobine dans le salon. Et voilà ce que je lis, sur quoi je tombe, ce que je découvre, page 105 :

« Je suis sur l’autoroute, je suis au milieu de l’autoroute dans une cabine, je prends les tickets de passage, je suis placé au milieu de l’autoroute, casemate sur l’autoroute dans laquelle je fais payer pour faire payer les gens. Je prends leur ticket puis je rends la monnaie, ils peuvent payer par carte, chèques, billets. Les automobilistes la fenêtre ouverte passent. Les gens sont dans leur voiture, s’arrêtent à ma fenêtre et ouvrent leur fenêtre pour que nous puissions échanger nos tickets. Je passe les gens. Dans le lot des gens, têtes, mains que je vois, qui passent, il y a une personne, tête, main, qui est mon éditeur qui vient, c’est Jean-Marie au milieu de l’autoroute. C’est Jean-Marie Gleize, ils sont deux dans la voiture, il me donne son ticket, il me donne son billet de banque, il ne me reconnaît pas, je ne comprends pas pourquoi il ne me reconnaît pas, il va payer, il va partir, il ne m’aura pas reconnu, je ne suis pas là, je n’existe pas. Il ne m’a pas reconnu, je ne sais pas pourquoi il ne me reconnaît pas. Peut-être parce que je ne suis pas à ma place. Peut-être parce que je n’étais pas attendu là, je ne vois que des mains. Ce sont des mains qui passent par la fenêtre de ma cabine placée au milieu de l’autoroute. Je ne sais pas ce que je fais là. Je fais payer les gens qui passent sur l’autoroute. Il me téléphone quelques jours plus tard pour me demander quel métier je fais en ce moment, je lui dit je suis péager sur l’autoroute. »

Christophe TARKOS. Anachronisme. P.O.L. 2001.

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