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Saisissant.

jeudi 6 février 2014, par Stéphane

« On peut juger de la beauté d’un livre, à la vigueur des coups de poing qu’il vous a donnés et à la longueur de temps qu’on met ensuite à en revenir. » *

Flaubert


Simon, 19 ans, en état de mort cérébrale mais dont le cœur "vit" toujours.

(Suis encore troublé, mais vais quand même essayer...)

Instantanément aspiré, absorbé par ce tourbillon de mots/maux qui sollicite les sens en permanence, par cette (absolue) maîtrise de la phrase qui lui confère puissance et fluidité, pour pouvoir déferler comme une vague, comme le fameux swell tant attendu par les surfeurs. Cette phrase qui serre la poitrine, qui contracte les muscles, qui provoque l’apnée.

Ces personnages -leurs passions, leurs émois- qui se croisent, se frôlent, coexistent dans ce laps de temps (24h), celui de la beauté, du drame, de la douleur, de la peine, des choix, cet intervalle dans lequel tout se bouscule, immanquablement, où les questionnements affluent. Des phases (pages) de récupération, comme des respirations salvatrices au cœur de la tourmente.

Pas facile de choisir un extrait tant les pages sont denses. Mais bon, voilà...

« Elle se lève, un mouvement brusque, sa chaise bascule en arrière -fracas sur le sol-, mais elle ne se retourne pas, se tient debout face à lui, une main posée à plat sur la table assurant un appui à son corps chancelant, l’autre pendue le long du corps, ils se regardent une fraction de seconde, puis un pas et ils s’étreignent, une étreinte d’une force dingue, comme s’ils s’écrasaient l’un dans l’autre, têtes compressées à se fendre le crâne, épaules concassées sous la masse des thorax, bras douloureux à force de serrer, ils s’amalgament dans les écharpes, les vestes et les manteaux, le genre d’étreinte que l’on se donne pour faire rocher contre le cyclone, pour faire pierre avant de sauter dans le vide, un truc de fin du monde en tout cas quand, dans le même temps, dans le même temps exactement, c’est aussi un geste qui les reconnecte l’un à l’autre -leurs lèvres se touchent-, souligne et abolit leur distance, et quand ils se désincarcèrent, quand ils se relâchent enfin, ahuris, exténués, ils sont comme des naufragés. »

Maylis de Kerangal est une virtuose.

*citation trouvée sur le site d’ Inculte .

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