"HORS DE MOI". Claire Marin.

On entre dans le texte comme il nous rentre dedans, brusquement.

Je me suis laissé aspirer par l’écriture, le rythme, irrémédiablement accroché par la phrase, juste, précise, quasi "chirurgicale" par moments, de ce récit (roman, témoignage, essai) troublant, court mais âpre, sans le moindre compromis, la narratrice ne se cachant pas derrière les mots, loin de là.

Elle nous parle de la maladie donc, de sa maladie, de cette maladie auto-immune qui semble irréversible. Elle nous en parle "hors d’elle", comme pour se mettre à distance de ce qu’elle représente, avec son cortège d’épreuves et de défis. « Ma vie est un énorme malentendu, une erreur immunitaire, un dommage collatéral. Mon corps s’attaque en pensant se défendre. C’est assez ridicule. »

Des chapitres assez brefs aux courtes phrases introductives bien ciselées, destinées à nous bousculer, à nous pousser dans le texte. « Je constate l’avancée de la démolition. » « Il n’y a pas de place pour la demi-mesure. »

Elle use parfois de l’étymologie comme pour mieux définir certains mots (maux) qui "accompagnent" la maladie (abasourdir/absurdité). « Doleo ergo sum », tient-elle à nous préciser.

Un corps qu’elle observe de l’extérieur. « Mon corps est de la tourbe qui se consume sans fin. » « Mes nerfs sont des fils dénudés. »

La colère : « Cette maladie me met hors de moi. »

La douleur, inévitablement. « Il y a une jouissance inexplicable dans cette sensation violente qui suspend tout, coupe tous les liens, répudie le monde extérieur. Ne plus exister que dans le coeur de la douleur. »

Et puis, comme il faut vivre avec, fatalement : « Apprendre l’indifférence. Pour se supporter soi-même. »

Un texte d’une puissance et d’une justesse remarquable, qui ne peut laisser indifférent, qui ne m’a pas épargné. Á lire (et à relire) sans modération. Et c’est un premier roman !

Éditeur (formidable par ailleurs) : ALLIA. 6€10.