mardi 13 janvier 2009, par Stéphane
Avant d’ouvrir le livre, j’ai regardé l’heure, vérifié que mon téléphone portable était bien éteint, et puis j’ai attaqué la première page...pour ne plus le refermer. Tout ça s’est terminé dans le canapé, les yeux dans le vide, bercé par la respiration saccadée de mon chat.
C’est drôle qu’Olivier Adam cite Philippe Djian, en exergue. Probablement le signe de quelques filiations communes : Brautigan, Fante, par exemple. Djian qui lui-même avait mis cette citation d’Hunter S. Thompson, (journaliste gonzo), au début de « Zone érogène », en 1984 qui, je trouve, a quelque chose à voir avec le livre d’Adam : « J’ai appris à vivre, pour ainsi dire, avec l’idée que je ne trouverai jamais la paix ni le bonheur. Mais tant que je sais qu’il y a une chance assez bonne de mettre la main sur l’un ou l’autre de temps en temps, je ferai de mon mieux entre les grands moments. »
Pas facile de se retrouver seul avec ses deux gosses quand on n’a aucune certitude sur la disparition de leur mère. De toute façon, rien n’est simple. Quotidiennement les évènements sont là pour nous le rappeler.
Chez Olivier Adam, jamais de misérabilisme donc, mais toujours ces personnages - lumineux malgré tout - sur la brèche, en équilibre sur ce fil ténu qui peut les faire basculer à tout moment d’un côté ou de l’autre. Cette fluidité dans l’écriture qui nous fait circuler dans la phrase qui glisse sous nos yeux. Le vent, la mer, les plantes : l’atmosphère. Toujours cet humanisme salvateur et cette part de lucidité qui permettent de se tenir à l’écart des sempiternels jugements de valeur qui ne mènent nulle part, avec quand même une inévitable part de révolte. Toujours cette petite phrase qui vous envoie un bon coup de coude des familles dans les côtes, qui vous bouscule pas gratuitement. Je l’aime bien ce mec. J’en dirai pas plus. Faut le lire.
Quelques passages, glanés ça et là.
« Le concret nous cimente, le quotidien nous lie, l’espace nous colle les uns aux autres, et on s’aime d’un amour étrange, inconditionnel, d’une tendresse injustifiable et profonde, qui ne prend pourtant sa source qu’aux lisières. »
« Cette somme de fragments discontinus constituait notre vie et dessinait en mosaïque l’image cohérente et reconnaissable de ce qu’il fallait bien nommer le bonheur, qui toujours nous échappe et ne prend sa forme qu’au passé. »
« On sombrait, le pays tout entier sombrait, c’est ce qu’il lui semblait et je n’étais pas loin d’être d’accord, quelque chose de moisi avait contaminé l’air, de vieux relents de travail famille patrie, assortis d’une impunité vulgaire, on triait les étrangers comme du bétail, on se gargarisait de quant on veut on peut et d’on a que ce qu’on mérite, on agitait son pognon sous le nez des pauvres, s’ils en voulaient plus ils n’avaient qu’à travailler plus, tout le monde voyait ça c’était comme le nez au milieu de la figure, il y en avait plein les journaux du monde entier mais rien n’y faisait, le peuple hypnotisé s’était laissé engourdir c’était trop tard... »
Sur ce, je vais me faire un thé à la menthe (c’est un peu trop tôt pour le génépi).
"Des vents contraires". Éditions de l’Olivier. 20 euros.