Mardi 12 mai, le Centre National du Livre recevait Antoine Volodine qui vient de se voir attribuer la Bourse Gattégno.

De loin, il a l’air d’un prof de français dans sa veste sombre avec chemise et cravate qu’on sent portées pour la circonstance. De près, la veste est en cuir finalement, le visage massif un peu rouge, les cheveux drus coupés courts presque militaires, on dirait plutôt un homme de main russe.
Mais l’expression est timide, quand on lui parle il regarde ses mains.
Il commence à répondre aux questions, en fait il n’y répond pas vraiment il raconte le post-exotisme en historien spécialisé plutôt que comme auteur. Avec facilité et précision.
Retraçant la genèse de ce projet fou, la manière dont il fut là, dès le début, mais se construisit peu à peu au fil des livres : non pas écrire une œuvre mais créer un corpus complet, un genre en soi, avec tous ses auteurs -écrivains, poètes, shamans, hommes, femmes, témoins, acteurs…- en inventer aussi le contexte et le sous-texte. Ecrire un monde, clos. Et nous mettre ainsi, nous lecteurs d’ici et maintenant, en position de voyeurs, d’enquêteurs, témoins accidentels d’une littérature qui n’a pas été écrite pour nous.
Sa voix est douce, parfois hésitante, jusqu’au moment où il se met à lire. Il déclame, fortement, scande, chuchote, accélère, ralentit, habité par des voix venues du fond d’un monde oublié, dénié, carcéral… dans la jolie salle ouverte sur le jardin où murmure une fontaîne de l’hôtel particulier du CNL. Il dit la douleur et les combats, les nuits habitées, les disparus et la torture… pendant que les extras installent le buffet en essayant de ne pas faire craquer le plancher de chêne.
Plus tard, le voilà à nouveau souriant, type assez banal somme toute, une coupe de champagne à la main. Je repense à l’une des phrases qu’il vient de lire : « feindre de ne rien cacher, et surtout feindre de n’avoir rien à cacher. »