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Il n’est jamais trop tard : Guéret 2009

Michon-Echenoz : association de Malfaiteurs

mercredi 27 octobre 2010, par Brigitte

Je viens de perdre un article en cours d’écriture ; en le cherchant, je retrouve celui-ci, en plan depuis un an, que je vous le livre tel quel : c’est vraiment loin Guéret, les nouvelles prennent du temps... C’est sans doute un problème technique (la mise en lien du film "les nouveaux malfaiteurs") qui en avait retardé la livraison.

On ne les connaît pas assez pour s’engager dans des affirmations hâtives sur une amitié solide, genre amis de trente ans, mais on a un document d’époque, les Nouveaux Malfaiteurs, qui nous les montre quand même beaucoup plus jeunes dissertant autour d’une gamelle de soupe sur l’avenir du roman. La question ne date donc pas d’hier, ni du week-end de la St Echenoz.

La réponse est vague, on retiendra que Michon, par pure modestie, n’a pas apposé le genre roman sur Les Vies Minuscules, et qu’il se mord encore les doigts de cette erreur de marketing (le mot est de moi).

Récit, donc, pour Les Vies Minuscules.

Roman, donc, pour Le Méridien de Greenwich, mais qu’importe puisque ces textes-là ont fondé au tournant des années quatre vingt ces deux auteurs qui en toute provocation continuent de jouer les malfaiteurs. Le troisième larron, Jean Baptiste Harang, porte à merveille les habits de Monsieur Loyal pour relancer le débat entre ses compères lui qui peut se targuer d’écrire de vrais romans, avec intrigue centrale, chute finale et nombre de pages conséquent ; autant d’ingrédients qui lui ont valu un Prix du Livre Inter pour La Chambre de la Stella, que l’on peut visiter à Dun le Palestel, entre la Souterraine et Guéret, « dans cette Creuse profonde et lettrée », comme il l’a écrit.

A côté de ces trois complices, Christian Oster et Eric Laurrent jouent les figurants, trop bien « mal rasés » pour être d’authentiques malfaiteurs : il faut dire qu’on n’imagine pas Eric Laurrent trempant la soupe ou faisant chabrot ailleurs que sur le boulevard St Germain. Quant à Christian Oster, il affiche une telle distance avec les évènements de la vie qu’on ne se voit pas non plus engager la conversation avec lui sur le prix de la côte de bœuf à la boucherie Jouhandeau, rue principale à Guéret (Creuse).

Plus à l’aise avec les gens de la rue que les ci-devant écrivains, Florence Delay (de l’Académie française) se glisse sous la bannière fièrement portée par nos zigues, scande allègrement "Libérez Echenoz" et nous explique l’origine de l’expression gaulliste « tout un programme ». Elle est sympathique cette femme-là, avenante, et on a du mal à se la représenter en habit vert, collet monté et épée à la boutonnière. Pour un peu, elle détendrait le trop crispé Gérard Titus Carmel qui semble avoir quelque difficulté à se départir d’une certaine raideur que rien, pourtant, ne laisse transparaître dans ses toiles. Magnifiques les toiles exposées à Guéret (Creuse).

Car c’est tout le charme de cette préfecture où le temps semble s’être arrêté sur le gris de ses austères pierres, que de s’ouvrir une fois l’an au monde de la littérature et des arts en général. Cette initiative qui nous a déjà amenés par deux fois dans ces terres profondes, loin de ce qui fait en général l’exception culturelle à la française, est due à la pugnacité de quelques farfelus, dont l’homme qui ne se départit jamais de son chapeau, Hugues Bachelot, frère ou cousin je ne sais plus, de la joyeuse Roselyne. Hugues Bachelot mène ce pari plutôt improbable grâce à la complicité active d’Agnès Castiglione et de notre cher Pierre Michon qui ramènent à Guéret, dans l’indifférence des potins du marché du samedi matin, tout ce que le monde littéraire et universitaire compte de têtes bien remplies.

Ca c’est pour le côté très pro de cette manifestation qui n’aurait finalement rien de singulier si les organisateurs ne mettaient tout ce petit monde au défi de déambuler, le dimanche matin, derrière un bœuf « gras », (en carton-pâte désormais depuis que la vachette des premières années a semé la zizanie à la sortie de la messe), en hommage à un texte de Marcel Jouhandeau, lu, et c’est maintenant une tradition, devant la boucherie que tenaient ses parents.

On se sentirait vaguement ridicule de se prêter à ce petit jeu qui n’est pas sans rappeler la retraite aux flambeaux de nos fêtes villageoises, si l’on n’était pas si dignement entourée : écrivains, cinéastes, plasticiens, acteurs, universitaires d’ici et d’ailleurs, maire et préfet, tout le monde participe allègrement à la cavalcade jazzy menée par Thierry Bourguignon.

Oh, en tout, cela représente à peine une trentaine de personnes, pas de quoi mobiliser les compagnies de CRS, et la manifestation se disperse joyeusement dès qu’est dite la messe à Jouhandeau.

Ainsi se clôture la fête, cette année dédiée à Jean Echenoz ; tout au long du défilé, il aura souri béatement, tel un jeune marié dans son costume taillé sur mesure et comme si tout cela le touchait de trop près. Tout naturellement aussi, on ira lui claquer la bise en partant, avec tous nos vœux de bonheur.

Pour être invité d’honneur des Rencontres de Chaminadour, Guéret (Creuse), il faut avoir cette capacité à se laisser dépiauter dans tous les sens par de savants théoriciens, supporter que ses textes soient lus à la va vite par de grands acteurs, lutter contre les crampes durant les multiples discours qui précèdent le vin d’honneur, dormir au Campanile, se livrer à l’indifférence rurale, et bien sûr avoir dessiné les contours d’une œuvre... Pour l’an prochain, des noms (Pascal Quignard), circulent déjà sous le manteau. Brigitte

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3 Messages de forum

  • Il n’est jamais trop tard : Guéret 2009

    27 octobre 2010 11:11, par Brigitte
    Pour rester quand même dans l’actualité, il faut dire quelques mots de la fulgurance "Des éclairs" et de son personnage principal : Grégor, l’homme chic mais aussi névrosé que Ravel était extraverti, ne serait-il pas finalement le portrait en creux du camarade Echenoz ? Affable, courtois et cependant peureux, donc distant dans ses relations aux autres, préférant la compagnie des pigeons à celle des poitrines pigeonnantes, homme de génie malicieux, avide mais abusé. Encore un personnage complexe qui boucle avec humour la trilogie des portraits échenoziens : l’ascension, la gloire et le revers de la médaille. Il n’est pas dupe, le bougre !
  • On s’en fout des délais et de l’actualité, on te lit avec autant de bonheur que si cela venait d’arriver (plus, même, la nostalgie apportant une note d’amertume qui en rehausse la saveur). J’y retrouve tout le charme étrangement baroque de Chaminadour.

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