L’auteur nous livre ici une histoire, par l’intermédiaire de la parole de sa narratrice, qui prend parfois la forme d’un conte, d’un texte en cinq actes, comme pour en intensifier la dramaturgie. Elle y mêle réalité et métaphores troublantes, souvent sans concessions, grâce notamment à une écriture et une construction assez singulières.
« Je ne serai plus le jouet de quiconque. Et encore moins des miens. Je ne serais pas qu’une exilée, une immigrée, une Arabe, une Berbère, une musulmane ou une étrangère, mais plus. Quoi qu’ils fassent pour m’y retenir, je n’irais plus sur ces territoires où sont assignés ceux qui les vivent. J’accueillerais tous ces mots pour ce qu’ils ont d’universel, de beau, d’humain et de grandeur. Le reste, le revers noir des particularismes, je le laissais aux affamés de l’identité ».
Elle nous plonge dans des situations d’où naissent inévitablement l’incompréhension, mais aussi la révolte. Il y a l’interrogatoire, duquel on ne peut se soustraire. Le « camp », cette zone de non-droit, dans lequel on enferme.
« Es-tu avec ou contre moi ? Me demande encore la puissance du monde en marche. Non, non, ni contre ni avec, je ne voulais même pas te haïr. Mais tu ne m’as pas foutu la paix. Tu l’as dite cette chose, Ou avec ou contre moi ? Moi, je voulais t’ignorer. Mais tu as réussi. Tu m’as eue (...) ».
Et puis l’empire du « dieu Dollar », qui n’a de cesse de se vautrer dans l’humiliation qu’il fait subir aux autres : « Quand on dépossède un homme de ses biens et de ses terres, quand on le rince jusqu’au dernier pain, quand on lui replie sa dignité et qu’on l’affame et l’avilit jusqu’à la nudité, c’est qu’on ne veut pas voir en lui un homme mais un rat ».
« Musulman » Roman est un livre puissant de par sa force évocatrice, poétique, qui laisse des traces et provoque le questionnement.
Sabine Wespieser éditeur. 16 euros.