Renversant.

Rory Dawn raconte son "apprentissage" de l’existence dans un texte puissant, roman initiatique d’un autre genre, porté par une langue singulière, celle de Tupelo Hassman.

Une vie pour le moins tumultueuse dans et autour d’un trailer park de Reno, aux côtés de sa mère (qui bosse au Truck Stop), de sa grandma, de ceux qui gravitent autour d’elles, pour le meilleur et pour le pire (le "Quincaillier").

Ces femmes qui résistent à ce foutu chaos (cruel atavisme) sans pour autant pouvoir y échapper, elles qui font partie de celles et ceux que l’on nomme déclassés.

« La violence, on la garde bien au chaud à la maison, car, dans la Calle, se voir refuser l’accès aux bars du coin, c’est le moyen de pression qui régit toute la vie sociale de la population (…) mais surtout, y a des blessés partout et c’est à ça que servent les bars, à abriter les blessés. Tenir un bar, c’est comme faire l’accueil aux urgences. »

Et puis, l’intervention de la littérature comme une bouée de sauvetage. Les mots qui viennent colmater les plaies d’âmes abîmées par les souffrances.

« Le bon livre au bon moment, ça existe, et pour maman comme pour beaucoup d’autres, Kerouac a joué ce rôle. »

Des paragraphes voire des chapitres entiers qui compressent la cage thoracique, qui modifient -de par leur forme, leur force évocatrice- le rythme respiratoire. Des fragments, des lignes noircies annonciatrices du pire, mais aussi des passages magnifiques où toute la pudeur et l’humilité de Rory Dawn s’expriment.

(Dans sa « promesse de scoute » il y a « aider mon prochain en toute occasion ».)

Le genre de bouquin qui (me) donne envie de continuer à croire en la littérature, de ceux qui seront là comme ont pu l’être ceux de Kerouac pour la mère de Rory Dawn, salvateurs...

P.S. : le titre original, Girlchild , est bien plus efficace.

Bourgois. 20€.